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L'abbaye du Val-Dieu, centre de rayonnement.

 

 

              Préciser dans ses détails le rôle joué au cours de sept siècles et demi d'existence par la communauté du Val-Dieu sur le plan religieux est évidemment impossible. Car non seulement la foi et la ferveur qu'elle suscite sont, pour l'observateur, difficilement saisissantes, mais leurs manifestations ne nous parviennent que de façon négative. Il est connu en effet que les gens simples et pieux n'ont pas d'histoire puisque les documents ne nous renseignent généralement que sur ce qui est exceptionnel et non sur ce qui est ordinaire. Ce sont donc aussi sur des situations anormales que les interventions du Chapitre général de Coteaux, voire même à partir du XVIe siècle du pouvoir temporel, nous fournissent des éléments d'appréciation.

 

             Il paraît certain cependant que très tôt l'abbaye s'efforça d'exercer un rayonnement spirituel. On en veut pour preuve le fait qu'elle se chargea spontanément de desservir plusieurs cures des campagnes environnantes et d'assurer la direction spirituelle de plusieurs couvents de moniales cisterciennes. Et même, au plus fort des moments de crise, elle ne renonça jamais à ces activités. Les rapports des commissaires enquêteurs soulignèrent d'ailleurs souvent en ces occasions que le service divin était également soigné au monastère et que les moines ne manquaient pas l'habituelle charité envers les pauvres.

 

           Quant aux activités intellectuelles, elles ne paraissent pas avoir été, sous l'Ancien régime, au centre des préoccupations de la communauté cistercienne. Sans doute ne furent-elles pas non plus inexistantes, mais elles n'atteignirent en tout cas jamais au Val-Dieu l'ampleur de celles qui nous sont connues des communautés bénédictines par exemple. Il est même significatif qu'à la fin du XVIIe siècle encore, les commissaires royaux firent valoir la nécessité d'y introduire un " lecteur " en vue de favoriser l'étude.

 

           Par contre, il ne fait pas de doute que l'abbaye joua un rôle réellement marquant dans la vie économique de l'ancien pays de Herve.  Propriétaire d'un domaine qui dépassa largement un millier d'hectares, elle fut en effet un témoin et un acteur à la fois privilégié et singulier des transformations de toute cette région de colonisation tardive.

 

           Formé pour l'essentiel dès avant la fin du Moyen Age, le domaine cistercien du Val-Dieu accuse, à partir du XVIe siècle, une stabilité remarquable. Mieux, les cultures vivrières qu'il fournit dès le début de sa mise en valeur constituent sa destination exclusive jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Le fait a pourtant de quoi surprendre. Car alors qu'à l'époque moderne, le paysage du pays de Herve se transforme complètement, les labours y faisant place partout aux herbages, seules les fermes du Val-Dieu refusent de s'adapter aux conditions économiques nouvelles. C'est que, si dans les premiers temps, les moines firent figure d'agriculteurs modèles, ils ne sont plus à l'époque moderne que des propriétaires. Désormais l'intérêt seul les guide et les engage à maintenir un système d'exploitation dans lequel ils peuvent compter sur un maximum de revenus en nature et en espèces.

 

          Cette constatation ne pourra cependant faire oublier la place considérable que la communauté du Val-Dieu a tenue dans la vie économi que de l'est du pays. Car c'est à ses premières générations de moines que revient le mérite d'avoir contribué tant à l'extension de la surface agricole utile qu'à la mise en valeur d'étendues laissées jusque là à une exploitation médiocre. Aujourd'hui, ce beau et grand domaine monastique a disparu, mais la physionomie du pays de Herve demeure en bien des endroits comme un héritage vivant de l'importante activité des premiers disciples de saint Bernard.

 

          Ce rôle économique particulièrement important dévolu à l'abbaye tenait, il est vrai, du paradoxe. Car fondée à l'initiative de particuliers dans un but évident d'expiation elle paraissait plus que toute autre vouée à la contemplation. Son implantation sur des terres occupées pour une large part par la forêt fit que ses membres eurent à cœur d'en modifier le visage pour en constituer un vaste et remarquable domaine agricole. Sa fondation à la limite de frontières d'Etats fit même que, loin d'être écartée de la vie publique, elle fut pour les princes et les souverains d'Ancien Régime un précieux point d'appui politique. Joint à sa position en bordure d une frontière linguistique, ce caractère devait d'ailleurs valoir au Val-Dieu d'être aussi un foyer de rencontres ex ceptionnel. Recrutant en effet ses moines, tant parmi les habitants des Flandres que de Wallonie et, tant en Allemagne qu'aux Pays-Bas, le monastère justifia toujours sa réputation d'accueil et d'ouverture au monde. Au milieu de ce vingtième siècle, le Val-Dieu honore encore cette vocation dont le dernier Concile a fait la vocation de l'Eglise entière.

 

 

 

 

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